Interviews

JEAN-YVES KACED, DIRECTEUR COMMERCIAL ET DU DÉVELOPPEMENT DE L'OPÉRA NATIONAL DE PARIS

Jean-Yves Kaced, Directeur commercial et du développement de l'Opéra national de Paris

Jean-Yves Kaced est Directeur du développement et du mécénat de l’Opéra national de Paris et Directeur de l’AROP, l’Association pour le Rayonnement de l’Opéra national de Paris : grâce à cette double casquette, il œuvre depuis 25 ans au développement et au rayonnement de l’institution.

À quoi a ressemblé votre confinement ?

J’ai la chance d’avoir une maison au bord de la mer, étant arrivé là-bas avant le confinement, j’y suis resté ! Profiter de notre jardin, dans la nature, nous a permis d’avoir un confinement relativement heureux tout en respectant les règles.

Avez-vous pu travailler efficacement en cette période ?

Efficacement : je ne sais pas ; mais différemment : c’est certain ! Une grande partie de mon travail étant liée à la vie des spectacles et tous les spectacles ayant été annulés, mes activités professionnelles nocturnes ont complètement disparu. À l’inverse, d’autres rendez-vous digitaux sont apparus via Skype, Teams, Zoom… Ce qui est certain, c’est que cette période a considérablement modifié notre rapport au travail et notre organisation du temps (me concernant, c’est une heure et demi de transport économisée chaque jour !).

Quels sont les enjeux auxquels doit faire face votre secteur d’activité ?

Les enjeux sont énormes : nous sommes dans l’incapacité de savoir quand nous allons reprendre, et dans quelles conditions : nous imposer de reprendre avec des salles remplies à 25% est une aberration économique ! Nous réfléchissons à ce que nous allons pouvoir proposer : faire jouer l’Orchestre en petit comité en salle mais avec une retransmission en ligne, faire danser notre Ballet dans différents lieux à Paris, avec captation et diffusion. Nous travaillons à différentes hypothèses de travail, qui modifient considérablement notre programmation, et nous sommes bien sûr tributaires de l’évolution de la situation sanitaire.

Quels défis a dû relever votre cœur de métier ?

Côté artistique, nous avons dû faire face à une situation inédite : ce sont 1 700 salariés permanents de l’Opéra de Paris, sans compter les intermittents, qui sont restés sans activité pendant de longues semaines. C’est une situation très compliquée pour nos artistes, qui ont besoin de pratiquer leur art et de s’entraîner : pour les danseurs par exemple, la phase de réathlétisation, indispensable avant de retrouver le public, est cruciale et peut prendre au moins 4 semaines. Mais je pense aussi à notre Directeur musical Philippe Jordan, dont c’était la dernière saison et dont le projet de Ring risque d’être compromis.
Côté mécénat, le problème est que nous n’avons plus de spectacles à montrer ! Nous avons essayé de maintenir le lien à travers la diffusion de spectacles (sur internet et à la télévision où nous avons eu des records d’audience) ou encore la mise en place de rencontres digitales avec les artistes, nous avons aussi développé une nouvelle plateforme numérique Aria, qui rencontre un grand succès. Mais bien sûr, les entreprises s’interrogent : certaines entreprises vont diminuer leur contribution, car elles sont affectées par la crise, d’autres vont orienter leur mécénat vers des causes en apparence plus urgentes.

Comment voyez-vous l’avenir de votre secteur après avoir traversé la crise ?

Je ne suis pas devin mais je ne suis pas si inquiet. Nous allons vivre deux années difficiles, mais le spectacle vivant est pour moi comme pour beaucoup un bien de première nécessité, et rien ne vaut la « présence réelle ». Les spectateurs reviendront très vite dans nos salles.

Quelle sera votre grande actualité une fois le déconfinement engagé ?

Nous souhaitons proposer comme chaque saison notre grand gala d’ouverture de la saison chorégraphique : initialement prévu en septembre, il n’est pour l’instant pas annulé mais nous travaillons sur différentes hypothèses. Dans tous les cas, il marquera la reprise.

Une lecture, un film, un podcast, une musique qui vous a redonné le sourire ?

Bien sûr, l’hommage des danseurs du Ballet de l’Opéra National de Paris au personnel soignant « Dire merci », magnifique vidéo réalisée par Cédric Klapisch.

Un conseil pour bien prendre soin de soi ?

Ne pas trop manger : tout ce que je n’ai pas fait !

Une idée pour continuer de s’engager pour la culture depuis son canapé ?

Il y a une vraie réflexion à mener sur les retransmissions de spectacles, qu’elles soient gratuites ou payantes : c’est une nouvelle économie qui va voir le jour, à l’image de ce qui se passe aux Etats-Unis. Il faut vraiment s’y attaquer !

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