Interviews

HERVÉ RIESEN, DIRECTEUR ADJOINT DE FIP CHEZ RADIO FRANCE

Hervé Riesen, directeur adjoint de FIP chez Radio France

Depuis bientôt 50 ans, la radio FIP diffuse sa singularité de première radio musicale sur les ondes, avec 94,8% de musique et fait figure d’exception culturelle dans le paysage radiophonique. 83% des titres diffusés ne le sont que sur son antenne, elle offre en plus de son antenne 8 webradios de 8 styles différents, et fait figure de « pépite » du groupe Radio France. Hervé Riesen son directeur adjoint veille sur les 750 000 auditeurs quotidiens en France (près de 10 millions d’écoutes dans le monde) et ses 14,4 millions de visites sur le site. Ces visiteurs disent de la radio qu'elle est, entre autres, une oasis à l’abri du vacarme, fluide et généreuse.

À quoi a ressemblé votre confinement ?

Je suis très peu sorti. L’enchaînement des évènements depuis fin février m’a rapidement fait prendre conscience de la situation. J’ai pris très au sérieux la consigne en limitant mes sorties. Il n’y a pas plus efficace pour nous protéger et limiter les risques sanitaires. Le télétravail a aussi joué son rôle dans l’emploi du temps bien chargé avec un objectif de production à inventer dès le premier jour de confinement pour limiter les rediffusions et apporter chaque semaine toujours plus de programme frais. Le week-end, mon confinement a visiblement ressemblé à beaucoup d’autres : lectures, musique et j’en ai profité pour me plonger un peu plus dans les séries. Elles apportent un complément fascinant par rapport aux longs métrages : développer sur plusieurs épisodes la personnalité et la psychologie des personnages. Ce format est bien adapté au temps libre confiné.

Avez-vous pu travailler efficacement en cette période ?

Il est évidemment impossible d’atteindre le même niveau de production dans mon activité. Le fait d’assurer la continuité y compris dans un mode dégradé est déjà réjouissant. Nous avons pu prendre la main à distance sur des outils, certes plus contraignants, mais assurer rapidement la reprise de programmes renouvelés au quotidien. Nous sommes accompagnés par une équipe technique admirable et dévouée. Ces collaborateurs sont disponibles par hot-line, toujours très rassurants et vous rappellent spontanément après tout incident signalé et résolu pour s’assurer que tout fonctionne bien. Nous leur devons beaucoup dans la réussite de ce défi inédit. Nous avons aussi eu la chance de bénéficier d'échanges de contenus avec les autres radios européennes publiques.

Quels défis a dû relever votre cœur de métier ?

Le principal défi a été d’agir à distance sans perdre de temps pour soutenir la filière musicale. FIP diffuse 80% de productions indépendantes, aucune autre radio ne peut accompagner autant d’artistes issus de tous les répertoires chaque semaine en période de crise pour la filière. De plus, nous tenions plus que jamais à rendre hommage aux artistes disparus dans la période pour offrir des moments de partages et de reconnaissance à Manu Dibango, Christophe, Tony Allen, Idir … ces hommages ont été rendus par des émissions spéciales produites en équipe alors que chacun était dans un lieu de confinement.

Comment voyez-vous l'avenir de votre secteur après avoir traversé la crise ?

Il est trop tôt pour se risquer à la moindre projection. Le public va-t-il avoir autant besoin de garder un contact avec l’information ou au contraire développer l’envie de se réfugier dans d'autres ambiances ? Tout cela évoluera en même temps que la situation. Le public sera-t-il gourmand de retrouvailles humaines pour finalement consacrer moins de temps à la consommation de médias ? Tout est possible. Concernant FIP nous avons tout de même des résultats et des retours qui traduisent l’adhésion à des programmes humains alternatifs aux algorithmes. Cela nous incite à penser que la valeur refuge de FIP est une promesse qui redouble de sens pour les jours à venir. La seule certitude est le rôle fondamental que nous allons continuer de jouer pour la sortie de crise de toute la filière musicale.

Un livre, un film, un podcast qui vous a fait du bien ?

Un livre qui m’attendait depuis quelques années, idéal pour un confinement puisque difficile à emporter avec le poids de ses 1000 pages : Le temps où nous chantions par Richard Powers, un chef-d’œuvre. L’histoire d’une famille métisse dont les membres mélomanes et musiciens racontent surtout celle des États-Unis. Sinon quelques séries : Tiger King pour une vision opposée et plus effroyable de l’Amérique mais avec beaucoup de rires, After Life aussi pour l’humour, cette fois anglais, mêlé d’émotions réelles, et Better Call Saul puisqu’une saison est sortie au début du confinement. De la musique évidemment : des titres confinés avec la reprise de Lou Reed par Emily Loizeau et celle du groupe Marc Seberg par Dominique A. La vidéo confinée de Stones chez eux puis leur inédit livré dans la foulée. Les nouveaux albums de Fiona Apple ; CocoRosie, Ron Sexsmith, Jonathan Wilson, Stephen Malkmus, Mama Sissoko, Tamikrest, Awale jant band, Grégory Privat et  Christophe Marguet, Foehn trio …

Une idée pour continuer à vivre la culture depuis son canapé ?

Écouter et suivre FIP sur tous ses supports, essayez et vous verrez que le conseil est très objectif ;-)

 

Crédit photo : Richard Bellia

 

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